2013-2016 : Présidence de Daniel Auverlot
La présidence de l’AFAE est un immense honneur qui m’a angoissé dès mon élection.
Cela faisait vingt-trois ans que je connaissais l’association. Je l’avais découverte quand j’étais au cabinet du recteur à Rennes, j’avais assisté à des colloques nationaux et la richesse intellectuelle, le bonheur de réfléchir ensemble, le fait de se sentir fort de valeurs partagées me rendaient heureux quand je rentrais chez moi. Aussi, lorsqu’on me sollicitait pour animer des ateliers, j’en étais très honoré. Alain Bouvier m’a ensuite demandé d’entrer au CA. J’ai accepté avec joie. Parfois j’écoutais d’une oreille distraite ce qui s’y disait, parfois mon travail d’IA-DASEN me conduisait à manquer ou à sortir en pleine réunion. Je me le suis reproché ensuite.
Une seconde de bonheur d’être élu président, tellement l’AFAE a de valeurs qui sont les miennes, et ensuite trois ans où la nuit il m’est arrivé de me réveiller, parce que je craignais pour l’équilibre financier. Mais Je n’étais pas seul. Quand on est président de l’AFAE, surtout en occupant en même temps une activité professionnelle, on ne peut pas travailler en solitaire ; les vice-présidents ou présidentes, le secrétaire général, le trésorier forment une garde rapprochée sur laquelle j’ai pu m’appuyer constamment. Quant à elle, la permanente au siège, professeur détachée, elle n’est pas une secrétaire, mais une vraie collaboratrice qui met en œuvre la décision. Naoual m’a accompagné trois mois, avant de partir de sa pleine volonté, Solène Bakowski lui a succédé. Professeur des écoles, elle cherchait une autre voie. Titulaire d’une licence de chinois, elle avait été concierge dans un hôtel quatre-étoiles à Paris. Je me suis dit qu’elle savait organiser, devancer, proposer, valoriser, être a l’écoute, tout retenir dans la discrétion et c’est exactement ce qui s’est passé. Son vrai métier était l’écriture, elle a publié des romans; quand elle a voulu quitter l’AFAE pour écrire à plein temps, je n’ai pas cherché à la retenir et j’ai été heureux pour elle. Qu’il me soit permis ici de lui rendre cet hommage.
Contrairement a ce que l’on pourrait croire, présider l’AFAE n’est pas en premier lieu une occupation intellectuelle, mais un défi permanent pour faire vivre l’association. La pérennisation de l’association passe par son équilibre financier et je tiens à remercier très chaleureusement Justin Azankpo, le trésorier, qui se dévoue avec tant de discrétion pour y parvenir. La mise en place du paiement par carte de crédit, la rénovation de l’application enregistrant les adhérents, les négociations avec le nouvel imprimeur, les rencontres avec la DGESCO pour la subvention donnée par le ministère, la quête de sponsors, la demande infructueuse de repeindre le siège, la réunion des correspondants académiques pour définir des stratégies de développement des adhésions, voilà le quotidien du président.
Il y a ensuite la revue, et son comité de direction; j’ai assez vite compris qu’il fallait laisser Françoise Martin Van Der Haegen et Lydie Klucik mener avec talent des débats qui parfois, entre gens de compagnie, exaltaient les passions. Elles accomplissent dans l’ombre un travail considérable et on leur doit en grande partie la qualité de la revue. L’AFAE n’a pas vocation à choisir une ligne politique : la confrontation des positions, des avis, des cultures, des métiers est un facteur d’enrichissement. Toutes les fois où l’on m’a demandé que la revue prenne une position sur tel ou tel sujet ou réforme, je m’y suis refusé, et je pense avoir bien fait. Notre association doit son succès à la façon qu’elle a d’élever le débat, ce serait pour moi une grave erreur que de la faire rentrer dans des prises de position sur des sujets semblant à l’instant importants, mais que le temps relativise rapidement.
La nouvelle édition du Système éducatif français fut aussi un grand moment de travail et de tension à cause des délais que nous nous étions fixés et des objectifs ambitieux que nous nous étions assignés : nous avons voulu en faire non pas une somme de connaissances, mais un lieu de questionnement et de problématiques essentiellement destinés à des cadres ou futurs cadres.
Les trois colloques de ma présidence furent des moments de grand bonheur et de grande angoisse, j’en avais souhaité les thèmes. A Versailles, « Peut-on réformer l’école? » donna lieu à trois jours intenses qu’Antoine Prost, Claude Thélot, Pierre-Yves Duwoye, Alain Boissinot contribuèrent a éclairer. Mais que dire de ces chants vers minuit de tous les congressistes ensemble, alors que l’assemblée générale nous réunissait le lendemain à 8 heures? Le président que j’étais y a vu un moment de communion partagée, assez rare dans notre système, merci encore à celles et ceux qui l’ont organisé.
A Rennes, ce fut « L’autonomie pour quoi faire? » et je me souviens particulièrement des interventions du chef d’établissement anglais et du directeur d’hôpital : elle m’ont conforté dans l’idée que chaque colloque devait être l’occasion de comparaisons avec d’autres pays ou d’autres administrations. Je me souviens aussi de cette pièce de théâtre sans concession, sur la guerre en Tchétchénie, jouée avec un immense talent par des élèves d’option théâtre du lycée Bréquigny.
« Laïcité, intégration, éducation, la République et son école » se déroula à Nîmes, dans un département où la question du vivre ensemble se pose particulièrement. Nous y avons expérimenté une nouvelle modalité avec un numéro de la revue préparatoire au colloque. Au lycée Daudet qui nous a si bien accueillis, le questionnement de Jean Baubérot, profond et lumineux, a lance un colloque qui fut d’une très grande densité intellectuelle. En particulier les tables rondes avec les regards des religieux et des responsables d’autres services publics furent des moments de grande intelligence et de tolérance rare.
J’aurais aimé continuer ma présidence avec un deuxième mandat, mais mon activité professionnelle avait changé. Non pas que le métier d’inspecteur général laisse beaucoup de temps, mais il donne la liberté de s’organiser. Devenu sous-directeur à la DEPP, je ne pouvais plus me consacrer suffisamment à l’AFAE. La nouvelle présidente, Catherine Moisan, me demande deux semaines après son élection si j’ai une idée pour le colloque suivant. Le recteur Marois, dont j’avais été le proche collaborateur à Rennes, avait intitulé le projet académique en 1998 : « Ne laisser aucun élève au bord du chemin ». Il était tentant d’essayer de voir, vingt ans après, comment cet objectif pouvait se réaliser, dans un système éducatif dont toutes les études de la DEPP montrent qu’il peut, si l’on n’y prend garde, renforcer la marginalisation des élèves les plus fragiles socialement et culturellement.
Le colloque 2017 sur ce thème a été un immense bonheur pour moi. D’abord j’y allais comme simple participant. Je n’avais plus le souci de la logistique : chambres, repas, état des sanitaires, mauvaise humeur d’un sponsor dont le titre n’apparaît pas en assez gros caractères. J’y ai animé un atelier sur les compétences non cognitives dans la réussite des élèves avec des participants passionnés. Je savais que j’allais devenir recteur quatre jours après. Aujourd’hui, l’académie de Limoges que j’ai l’honneur de diriger est en train de construire un projet dont le titre est aussi “Ne laisser aucun élève au bord du chemin” et s’appuie beaucoup sur les actes du colloque.
J’ai eu des échecs dans ma présidence : je ne suis pas parvenu à toucher assez le premier degré et l’université, ce qui faisait partie de mes objectifs. Je n’ai pas non plus réussi à élargir suffisamment le nombre d’adhérents, ni à faire remonter la subvention de la DGESCO. En tout cas ce fut une belle aventure.
Daniel AUVERLOT