Complément au n° 164 : L’éducation prioritaire, une politique publique contre les inégalités ?
Un problème technique a empêché la bonne publication de cet article encadré dans le numéro 164, où il aurait dû figurer à la page 99 de la revue. Nous le reproduisons ici, et vous pouvez également télécharger au format pdf en cliquant ici. Nous présentons nos excuses à l’auteur et aux lecteurs pour ce problème.
Des travaux de la DEPP pour le suivi, le pilotage et l’évaluation de l’éducation prioritaire
Marc BABLET
La DEPP est une direction ministérielle chargée de produire des statistiques publiques en éducation. Elle assure la mise en œuvre du système d’informations statistiques du ministère. Elle accompagne les politiques du ministère en en rendant compte d’une part quant à leur déploiement et mise en œuvre et d’autre part quant à leurs enjeux et résultats. Ce faisant, elle contribue au débat public et elle favorise un pilotage éclairé du système éducatif.
Des informations régulières sur l’éducation prioritaire et son contexte
Ainsi la politique d’éducation prioritaire a-t-elle bénéficié de l’intérêt de la DEPP de manière régulière sur un certain nombre de données comme il apparaît par exemple dans le RERS[1], publication annuelle des principaux chiffres de l’éducation concernant les établissements et les élèves. Le RERS 2018 consacre des rubriques spécifiques à l’éducation prioritaire en distinguant REP et REP+ mais elle indique aussi le positionnement des établissements de l’éducation prioritaire au regard du climat scolaire. La DEPP est également à l’origine des données statistiques fournies pour le rapport annuel de performances du projet de loi de finances[2] qui donne quelques indicateurs sur le système éducatif et permet par exemple de rendre compte des moyens investis en éducation prioritaire et de comparer les résultats en éducation prioritaire avec les résultats hors éducation prioritaire. On y apprend par exemple les taux d’élèves en retard à l’entrée en sixième et en troisième, l’ancienneté des enseignants, la proportion d’élèves maîtrisant les compétences du domaine 1 du socle, les différences de résultats au brevet des collèges. Des notes d’information y sont également consacrées en fonction de l’actualité politique du sujet[3]. Ces notes reprennent plus précisément les principales composantes de la politique d’éducation prioritaire et permettent d’avoir des précisions sur la composition sociale, l’accueil des moins de trois ans, les moyens mis en œuvre, la situation des ressources humaines (notamment âge et turnover des personnels enseignants).
Il est important de noter que la DEPP assure un suivi régulier des données relatives aux situations sociales des écoles et surtout des collèges. Elle a ainsi pu contribuer notamment à la préparation de la carte de l’éducation prioritaire de 2015 en fournissant aux académies des repères essentiels pour déterminer les écoles et collèges à retenir. Par ailleurs, elle fournit aux établissements et circonscriptions dans le cadre des APAE (Aide au pilotage et à l’auto évaluation), qui ne sont pas publics, des indicateurs qui permettent une confrontation de données dans le temps (plusieurs années disponibles), dans l’espace (le réseau peut être comparé au département et à l’académie ou la France), selon le secteur (notamment privé/public et hors éducation prioritaire/ éducation prioritaire). Les APAE se sont récemment enrichis d’un onglet « éducation prioritaire » qui permet de mieux mettre en évidence la situation des écoles et collèges relevant de cette politique.
Des études et publications spécifiques pour approfondir la situation de l’éducation prioritaire
Dès lors que la politique est portée par le gouvernement, la DEPP produit des informations plus détaillées et commentées sur les différents aspects de la politique d’éducation prioritaire soit dans des publications spécifiques soit dans des articles qui y sont consacrés dans diverses publications. Là aussi on peut citer des notes d’information comme celles consacrées à l’accueil des moins de trois ans en maternelle ou aux CP à 12[4]. Il ne s’agit pas tant d’évaluer l’impact de ces dispositifs que de décrire leur déploiement au moment du prélèvement de l’information.
De nombreux articles de la revue « Education et formations[5] » concernent directement ou indirectement l’éducation prioritaire en apportant des repères utiles : on citera plus bas un article exploitant les panels d’élèves (revue n° 95), on peut citer celui qui définit l’indice de positionnement social, particulièrement utile pour ajuster la carte de l’éducation prioritaire (revue n° 90 ), de même la réflexion sur la question de la définition de la ségrégation (revue n°91), également la question de l’exploitation des données de l’évaluation des acquis des élèves (revue n°86-87) et la question de l’accueil des moins de trois ans (revue n°82)…
Des éléments d’évaluation des effets de la politique
En la matière la DEPP est très prudente et évite autant que possible les effets d’annonce suite à des publications qui pourraient faire produire des jugements trop définitifs à propos de la politique ou d’un de ses aspects. Ainsi n’a-t-elle toujours pas publié de données sur le dispositif « plus de maîtres que de classes » du fait du manque de recul dont on dispose. Si elle a, à la demande du ministre, proposé de premiers éléments sur les CP et CE1 à 12 à partir des résultats des évaluations nationales de début et de mi CP[6], c’est avec prudence qu’elle aborde la question en montrant notamment la dispersion des résultats entre académies ou entre garçons et filles. Une manière de rappeler que des résultats scolaires ne peuvent être rapportés exclusivement à une variable, qu’ils sont toujours le fruit d’un ensemble complexe de raisons. Il est d’ailleurs prévu que des études plus approfondies, avec l’appui d’équipes de recherche, puissent affiner les résultats et chercher à expliquer les raisons des réussites en explorant les pratiques professionnelles. La note relative au mi CP indique une progression en REP+ par rapport au début du CP mais sans en préciser l’étendue qui est en fait très dépendante des questions didactiques traitées.
Un article d’évaluation produit par la DEPP concernant les Réseaux ambition réussite[7] montre que ce service du ministère est, conformément aux règles européennes en matière de statistique publique, particulièrement exigeant quant à l’interprétation des données disponibles. L’article précise qu’il est particulièrement difficile de poser une interprétation causale des résultats compte tenu de la multiplicité des facteurs en cause et de la manière particulière dont chacun d’eux peut interagir avec d’autres. Il invite à beaucoup de précautions dans la construction d’une évaluation à proprement parler à partir des données disponibles et conclut : « En d’autres termes, les dispositifs d’éducation prioritaire semblent parvenir à contenir l’effet de la très forte concentration de difficultés sociales, qui selon les travaux du Cnesco [Garrouste et Prost, 2016], devrait provoquer une forte dégradation des performances dans ces établissements. ».
Marc BABLET
IAIPR retraité
[1] https://www.education.gouv.fr/cid57096/reperes-et-references-statistiques.html
[2] https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/rap/pdf/RAP2018_BG_Enseignement_scolaire.pdf
[3] Les deux dernières notes état des lieux datent de 2013 et de 2018.
[4] http://cache.media.education.gouv.fr/file/2016/67/8/depp-ni-2016-19-scolarisation-a-deux-ans-en-education-prioritaire-un-enfant-sur-cinq-va-a-ecole-des-deux-ans_597678.pdf
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2017/49/7/depp-ni-2017-25-constat-1d_861497.pdf
[5] https://www.education.gouv.fr/pid34210/les-publications-de-la-depp.html?pid=34210&page=0&formSubmitted=1&cat=44&theme=0&Month=0&Year=0&x=18&y=5#resultat
[6] https://cache.media.education.gouv.fr/file/2019/96/1/depp-ni-2019-19-13-Evaluations-reperes-2018-debut-CP-premiers-resultats_1114961.pdf
[7] https://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_95/15/7/DEPP-EF95-2017-article-4-education-prioritaire_867157.pdf