“Les écoles rurales, cœur d’une stratégie pour les territoires” par André HUSSENET (IESF)

 Les écoles rurales, cœur d’une stratégie pour les territoires

par : IESF

Travailler sur l’école rurale, c’est d’abord s’intéresser à l’École conçue en France comme une institution indissolublement liée à la République et un moyen de former des citoyens libres et éclairés. En ce sens l’École est un projet démocratique qui est le même en tous lieux : les visées de l’enseignement et de l’éducation ne varient pas selon que l’on habite en centre-ville, dans une banlieue défavorisée, une cité-dortoir ou à la campagne.

Réfléchir à la manière d’atteindre les objectifs de l’École précisément aujourd’hui, c’est pour l’institution chercher les moyens d’adapter les modalités de l’enseignement aux caractéristiques de chaque territoire. Cette démarche s’impose particulièrement dans les territoires ruraux dont la diversité géographique et économique et les évolutions démographiques sont souvent méconnues ou ignorées. D’autre part, l’adaptation de l’école au territoire implique la mobilisation des acteurs locaux, parents, élus, responsables d’associations, partenaires économiques, afin de fédérer toutes les ressources utiles. Ces deux points de vue sont nécessaires pour distinguer les responsabilités et les moyens d’action du niveau central, institutionnel, et celles du niveau local, environnemental.

 

L’école rurale, miroir des difficultés et des blocages du système éducatif français

L’école, et en particulier l’école rurale, se heurte à trois problèmes majeurs, d’ordre pédagogique et structurel, qui affectent les élèves, les enseignants et le fonctionnement du système.

 

1 Dans les territoires ruraux, comme dans les territoires urbains, les écoles sont coupées des collèges et de plusieurs manières. Les effets de cette réelle rupture entre école et collège, commune aux urbains et aux ruraux, pourraient, notamment à cause de l’éloignement, être encore plus négatifs sur les élèves des campagnes.

  • Leurs locaux, leurs équipements sont confiés aux communes ou aux intercommunalités tandis que ceux des collèges le sont aux départements.
  • Les collèges, à la différence des écoles, sont des établissements publics locaux dotés d’une autonomie. Leurs modes de gestion sont en conséquence très différents.
  • Les enseignants des écoles ont désormais le titre de professeurs des écoles, sont devenus des professeurs polyvalents comme les instituteurs qui les ont précédés, mais avec un statut différent de ceux des collèges et des lycées où la spécialisation est la règle et la polyvalence, quand elle existe, est très limitée.
  • Une culture différente continue de séparer les enseignants du primaire et ceux du secondaire bien qu’ils bénéficient d’une formation partiellement commune.
  • Les pédagogies du primaire diffèrent grandement de celles du collège, notamment parce que l’enseignement, souvent dispensé à des élèves d’âge et de niveau différents, y est dispensé par un maître unique alors qu’au collège le temps scolaire est partagé entre une dizaine de professeurs qui s’adressent à des élèves regroupés par niveau (6e, 5e…).
  • Le socle commun de compétences et de connaissances attendues à la fin de l’école obligatoire n’a pas engendré « l’école du socle », nouvelle manière de nommer et de concevoir l’école fondamentale comme elle existe dans d’autres pays[1].

 

2 Les freins à l’évolution du recrutement et de la gestion des carrières enseignantes sont très communs quel que soit le lieu d’exercice.

  • L’attraction du métier est limitée notamment pour des raisons financières, de montant des rémunérations principalement en début de carrière.
  • L’importance donnée à l’ancienneté par rapport à celle accordée aux compétences et à l’engagement entraîne notamment une affectation des moins expérimentés dans les postes les plus exposés, les plus difficiles, les moins demandés et génère donc une grande mobilité justement dans les endroits, comme dans les communes rurales, qui exigent de la stabilité.
  • Bien que le niveau d’études requis ait été élevé à cinq années après le baccalauréat pour les professeurs des écoles comme pour ceux des lycées et collèges, plus pour des raisons statutaires que de maîtrise des disciplines enseignées ou de maîtrise des gestes professionnels, la part consacrée à la formation professionnelle spécifique n’est satisfaisante ni aux yeux des intéressés, ni à ceux des parents. La confiance ainsi accordée aux enseignants, le prestige dont la profession bénéficie s’en trouvent affaiblis et le recours aux écoles privées, sous ou hors contrat, est accentué quand la concurrence existe. La récente création d’écoles privées hors contrat, payantes, avec des pédagogies particulières en milieu rural, constitue sans doute une alerte pour le service public.

 

3 Si les relations de l’école avec son environnement et avec ses partenaires s’améliorent indéniablement il reste beaucoup à faire à tous les niveaux pour un partage clair des responsabilités sur les bons sujets et dans les bons moments.

  • Les décisions de carte scolaire, de fermeture de classe, prises parfois du point de vue des acteurs sans préparation ni concertation suffisantes et suffisamment à l’avance, fragilisent la crédibilité du système et la confiance que l’on peut lui accorder.
  • L’absence de recouvrement entre les différents découpages : communes et communautés de communes, secteurs de regroupement des collèges, définition des circonscriptions des inspecteurs de l’éducation nationale…, continue à nuire à la cohérence et à l’efficacité des décisions.
  • L’exigence et l’inquiétude des parents, la confiance limitée qu’ils accordent à l’école, à l’enseignant ou aux enseignants de leurs enfants, la difficulté réelle d’un dialogue constructif notamment quand l’élève s’adapte mal ou se trouve en situation d’échec, demeurent des obstacles à des relations apaisées où chacun sait son rôle et sa responsabilité.
  • La multiplicité des aménagements, des réformes plus ou moins profondes et rapides, des organisations, commissions et comités tendent à troubler la cohérence à laquelle chacun aspire pour jouer son rôle et anticiper les décisions à prendre. Par exemple comment s’y retrouver entre les contrats de ruralité, les conventions ruralité, l’agenda rural ou bien entre les différents outils des politiques d’aménagement du territoire.
  • Le manque fréquent de coordination entre la mise à disposition de matériel informatique (les tableaux interactifs par exemple) et la formation des enseignants rend plus difficile l’adaptation de la pédagogie à l’évolution des supports d’enseignement ou aux nécessités d’organiser l’alternance entre les enseignements en présence ou à distance.

 

L’école rurale a aussi ses spécificités et ses atouts

La communale bien installée au cœur de tous les villages avec sa ou ses salles de classe, son préau et le logement des instituteurs n’est plus qu’un vague souvenir dans de nombreux cantons. L’exode rural a fait son œuvre, quand bien même il resterait 2 300 écoles dans le rural éloigné et que l’on compterait, selon les classifications retenues, 42 % à 80 % de communes rurales pour 8 millions à 22 millions d’habitants.

Avec l’allongement de la scolarité obligatoire, la création du collège unique et la disparition du fameux certificat d’études primaires, la désertification des campagnes, les communes rurales ont dû organiser des regroupements pédagogiques intercommunaux regroupés ou dispersés et les élèves ont dû passer plus de temps dans les cars de « ramassage ».

Le maintien ou la fermeture de petites écoles continue cependant à alimenter les querelles entre ceux qui pensent que la disparition de l’école est un drame pour la commune, son maire et ses habitants et ceux qui pensent que l’intérêt des élèves et le bon fonctionnement de l’école exigent la mise en place d’organisations nouvelles.

Les spécificités de l’école rurale sont souvent niées. Elles mériteraient cependant d’être mises à profit et valorisées.

  • Certains enseignants méconnaissent les particularités des territoires et se réfèrent strictement aux instructions officielles, d’autres essaient de comprendre et valoriser le territoire et la culture locale pour mieux accompagner leurs élèves.
  • La taille des écoles rurales souvent réduites à une, deux ou trois classes implique une organisation scolaire mêlant des élèves d’âges et de niveaux différents. Ce qui peut apparaître comme une difficulté pour un enseignant non formé offre cependant une richesse pédagogique dont attestent les bons résultats qu’obtiennent les élèves à la fin du cycle primaire (travail par petits groupes, développement de l’autonomie, responsabilisation et entraide entre élèves de différents niveaux).
  • L’isolement souvent ressenti par les enseignants dans le quotidien de leurs pratiques pédagogiques les incite de plus en plus à travailler en réseaux et à développer une culture collaborative.
  • Les difficultés d’accès aux équipements sportifs et culturels, de nature et d’ampleur variables selon les communes, sont à rapprocher de situations connues dans certains milieux urbains.
  • La nécessité de construire des partenariats divers et d’assurer des tâches administratives et organisationnelles exige du temps et des compétences particulières de la part des enseignants mais permet aussi de s’appuyer sur des solidarités locales.

 

Quelques propositions pour l’action

Notre objectif principal demeure les résultats des élèves et leur vécu dans leur environnement. Si les performances scolaires des élèves des écoles rurales en primaire demeurent d’un bon niveau, elles rejoignent les moyennes nationales en collège et en lycée, rendant les poursuites d’études dans l’enseignement supérieur trop rares. Ce constat constitue le point d’émergence d’une problématique propre à l’école rurale, partagée dans les études qui lui sont consacrées.

De nombreux jeunes manifestent leur souhait de « rester au pays » en raison d’une qualité de vie souvent supérieure à celle des villes et leurs banlieues, mais aussi d’un attachement à une culture et un environnement local. Pour autant, ce choix ne doit pas expliquer la faible représentation des jeunes ruraux dans les filières post-bac. Il est en effet nécessaire, pour vivifier le tissu économique et social local, que des jeunes désireux de garder un ancrage local poursuivent leurs études au-delà du baccalauréat, tant dans les disciplines techniques que générales.

Parce que l’école en milieu rural partage les difficultés du système éducatif dans son ensemble mais qu’elle présente également des spécificités, parce que la ruralité dans sa globalité et dans sa dimension éducative est l’objet de transformations économiques, sociales, culturelles et qu’elle fait l’objet, depuis quelques années, d’une attention politique particulière dont les effets demeurent insuffisamment visibles, il est utile de tracer des axes d’amélioration, de formuler des propositions de transformation certes centrées sur l’école rurale mais potentiellement favorables à l’évolution nécessaire de tout le système. Ces propositions peuvent s’inspirer d’exemples observés dans d’autres pays, tout en tenant compte des spécificités inhérentes à chaque système éducatif, selon les contextes politiques, économiques ou géographiques.

 

Plusieurs contraintes guident le choix des propositions 

  • La réalité de la situation du système en général et dans les territoires ruraux en particulier, telle qu’elle a été dessinée précédemment.
  • La prise en compte de la diversité des territoires ruraux et des organisations scolaires susceptibles de faciliter la réussite des élèves et la qualité de la vie des habitants, tout en respectant l’unité d’un système éducatif national garant de l’égalité républicaine.
  • Le parti-pris de respecter l’identité et les responsabilités de l’École, et de ses maîtres, tout en lui permettant de s’ouvrir à ses partenaires, aux conditions locales autant qu’au monde extérieur en transformation profonde et rapide.
  • La volonté de laisser une réelle marge d’initiative locale sans retirer au niveau national la responsabilité de la fixation des objectifs, de l’évaluation et du contrôle.

 

Propositions et suggestions

  1. L’organisation du système
  • Le rapprochement des écoles du collège du secteur doit se concevoir dans une marche vers une réelle école du socle[2]. Toutes sortes de solutions peuvent être adoptées depuis la création d’un réseau pédagogique reliant les écoles entre elles et avec le collège jusqu’à une intégration pure et simple des écoles du secteur dans le collège (physiquement et administrativement), en passant par d’autres formules que nous esquisserons dans le point consacré à l’école dans son territoire. Le principe de l’école du socle, énoncé au niveau national, doit être mis en œuvre selon des modalités relevant d’une décision locale.
  • Le pilotage d’une évolution si importante doit en partie être confié à l’administration départementale qu’il convient donc de doter d’outils solides, notamment statistiques.
  • Puisque la population scolaire varie, et dans les territoires ruraux souvent à la baisse, il faut que l’administration de l’éducation nationale donne des délais (3 années au minimum, respectées, paraissent une bonne durée) pour que les élus et les usagers puissent avoir le temps d’accepter les évolutions, de sortir de l’opposition systématique à la fermeture d’une classe ou d’une école en invoquant la fin de la vie du village s’il perd son école, en participant à la recherche de la meilleure organisation compte tenu d’un cadrage national clairement défini.
  • Une politique de concertation ouverte à une multiplicité d’élus, d’organismes, d’administrations exige un travail méticuleux tant au niveau des ministères que de leurs administrations départementales, ainsi qu’au niveau communal et intercommunal pour unifier les dispositifs, au moins les rendre compatibles et complémentaires. Par exemple, il est nécessaire que les politiques d’aménagement du territoire incluent la dimension éducative, que l’articulation entre les conventions ruralité, les contrats de ruralité, l’agenda ruralité soit simple et claire pour tous les acteurs concernés. Ce souci de cohérence s’impose également aux responsables locaux : élus et responsables administratifs. Les secteurs de recrutement des collèges, les limites des circonscriptions des inspections primaires, les territoires des intercommunalités gagneraient à se superposer autant qu’il est possible.
  • Le travail en réseau entre écoles, entre écoles et collèges, entre enseignants doit devenir la règle, que ces réseaux soient organisés au sein de l’institution ou plus librement, qu’ils s’appuient ou non sur les technologies de communications et l’accès aux banques de données. En Finlande, depuis une vingtaine d’années, des expériences de salles de professeurs virtuelles ou de formations à distance ont été menées avec succès pour rompre l’isolement professionnel des enseignants et permettre l’échange de pratiques pédagogiques.

 

  1. Les enseignants

Plusieurs niveaux de réflexion et d’action méritent d’être envisagés, seul l’immobilisme n’est pas acceptable. Considérer le recrutement, la formation, la gestion des carrières, voire la définition des missions et des conditions de travail comme satisfaisants serait une faute pour l’esprit.

  • Au plus haut niveau, il faut saluer la décision d’expérimenter, à compter de la rentrée 2021, la mise en place d’un parcours préparatoire au professorat des écoles, adossé à la préparation d’une licence généraliste. Elle ouvre enfin la perspective d’une formation cohérente, simultanée, étalée sur cinq années et non réduite à une formation successive purement théorique et disciplinaire de trois ans suivie d’une formation à la fois théorique, disciplinaire, préparatoire à un concours de recrutement et professionnelle réduite à deux années.

Dans l’attente d’une évaluation et d’une généralisation de cette expérimentation, une formation continue doit permettre aux enseignants en poste de bénéficier de compléments de formation sur les disciplines au programme de l’école, leur enseignement, la conduite de la classe et les modes d’apprentissages des élèves en développement. Il faut également réfléchir à la monovalence ou polyvalence des professeurs du collège, lui-même conçu comme la dernière étape de l’école du socle. On observe que la bivalence des enseignants est requise dans plusieurs pays européens, notamment en Allemagne où elle est la règle.

  • À un niveau plus aisément accessible et plus immédiatement opérationnel bien que délicat, il serait nécessaire de modifier simultanément les modalités de recrutement en faisant place à des aptitudes particulières à l’exercice de la fonction enseignante, à l’engagement à servir un certain temps dans les lieux les plus difficiles ou à se former continûment, à une augmentation des salaires et à leur progression au cours de la carrière en fonction des compétences et de l’engagement au service de l’enseignement .
  • Ainsi, plus particulièrement pour l’école rurale, il convient de lancer l’étude de la création d’une mention complémentaire « enseignement en milieu rural » conduisant à la mise en place de postes à profil, d’une formation continue diplômante et valorisée financièrement, consacrée à la prise en charge de classe multi-niveaux en école rurale, de concevoir à l’instar de ce qui a été fait pour les ZEP une prime pour un engagement à enseigner quelques années dans une école rurale peu demandée, de rechercher les bonnes modalités pour éviter les séjours trop longs ou trop courts dans la même école rurale.

 

  1. L’école dans son territoire ou le territoire et son école

Voici quelques décennies au Québec, le ministère de l’Éducation envoyait un expert sur le terrain pour évaluer la pertinence d’une initiative prise par une école ou des enseignants et en cas d’évaluation favorable proposait une aide financière, un soutien technique ou universitaire. La tradition française ne conduit pas naturellement à suivre cet exemple qui constitue cependant une bonne façon de préserver l’unité du système tout en soutenant l’innovation et les bonnes initiatives.

  • L’évolution des effectifs d’élèves, les modifications des modes de vie et de la représentation du métier d’enseignant qui n’est plus celle d’un hussard de la république, la promotion du travail en équipe, la généralisation du recours aux technologies de l’information et de la communication, mais également les contradictions éventuelles entre la volonté d’un maire de maintenir à tout prix une école dans le village et l’intérêt supposé ou probable des élèves à bénéficier de meilleures conditions d’encadrement, d’accès à des équipements sportifs culturels tels que des bibliothèques, des musées, des orchestres… et de trouver les moyens de se projeter dans l’avenir, nécessitent que des solutions locales soient élaborées, que des partenariats soient noués, que la question scolaire, notamment celle de la prise en charge globale des élèves porteurs de handicap et celle du transport des élèves, s’insère dans une politique de développement local conduite par des élus aussi mobilisés qu’inventifs pour dynamiser leur territoire. De nombreux exemples existent.

Un système éducatif exigeant, conforté par des objectifs clairs et partagés, sûr de la qualité de ses personnels peut et doit non seulement laisser de vraies marges d’initiatives mais les susciter et les valoriser.

  • Ces marges d’initiatives peuvent permettre une plus grande interaction entre l’école et son environnement, qu’il s’agisse d’utiliser les bâtiments et équipements scolaires au service de la population locale (salles de réunion ou d’expositions, bibliothèque municipale, centre de formation pour adultes, etc.), comme c’est le cas, par exemple, en Suède, en Grèce ou au Québec, ou qu’il s’agisse de développer dans les contenus d’enseignement la connaissance du milieu environnant en s’appuyant sur les observations locales, tant historiques que géographiques.

L’éloignement des écoles rurales par rapport aux centres urbains de diffusion culturelle peut ainsi être rééquilibré par un accès direct à des connaissances moins accessibles aux élèves citadins.

  • Pour aller vers une école du socle cohérente et tendue vers la réussite et la promotion de tous les élèves il est possible de se contenter d’organiser des liaisons fondées sur des partages de matériels, de locaux, de contributions d’enseignants du collège dans les écoles et inversement, de créer un groupement scolaire auprès du collège de rattachement, de scolariser des élèves du primaire dans les locaux libérés par la baisse des effectifs.

L’important est que la visée nationale soit claire et constante et il n’est pas nécessaire d’aboutir rapidement à une réunion des écoles et du collège dans une même entité juridique capable de gérer une organisation multisites.

 

En guise de conclusion

L’école rurale doit, au même titre que l’école des zones urbaines en difficultés, faire l’objet d’une politique particulière vigoureuse et cohérente. Celle-ci aura des conséquences positives sur l’ensemble du système éducatif puisque les problèmes auxquels l’école rurale est confrontée sont le miroir des difficultés et des réussites de l’École publique.

Deux grands axes de travail doivent être retenus :

  • d’une part, « l’effet maître » joue un rôle majeur ; par conséquent, le recrutement, la formation initiale, l’affectation, la rémunération, l’évolution des carrières et la formation continue, l’accompagnement et l’adaptation à l’exercice en milieu rural des professeurs des écoles, domaines relevant de la responsabilité de l’Etat, doivent guider l’action et impulser les changements nécessaires,
  • d’autre part, l’efficacité de l’école est liée à la mobilisation de tous les partenaires ; cette mobilisation repose sur la marge d’initiative donnée aux acteurs locaux dans un cadre national clair et suffisamment constant pour laisser les solutions trouvées se développer, se réguler par l’évaluation des résultats obtenus par les élèves et des effets sur la dynamisation des territoires ruraux.

Penser l’école rurale comme un laboratoire de pratiques pédagogiques et d’organisations structurelles adaptées à un public scolaire et un environnement spécifiques permettrait à la fois de reconsidérer son rôle dans des territoires en mutation et de proposer des modèles susceptibles d’être transférés à des écoles urbaines nécessitant une approche différenciée.

 


IESF décembre 2021

Quelques propositions concrètes pour les écoles rurales,
cœur d’une stratégie pour les territoires

Ces propositions concrètes s’appuient sur les deux axes définis en conclusion du texte. Il s’agit de mesures qui peuvent être prises rapidement et qui ne nécessitent pas d’investissement financier important.
« L’effet maître » :
• Introduire systématiquement dans le cursus de la formation initiale des maîtres un véritable module (et non quelques heures comme c’est, semble-t-il, le cas aujourd’hui) consacré à la gestion des classes multi-niveaux.
• Créer des postes à profil pour les enseignants incluant un engagement sur au moins 3 ans, la capacité et la volonté de travailler en réseau, y compris au niveau européen, la capacité à coopérer avec les partenaires locaux (familles, élus), la prise en compte des spécificités locales pour en exploiter le potentiel avec les élèves (géographie et histoire locales), etc.
• Créer, à moyen terme, une mention complémentaire, centrée soit sur la spécificité géolocalisée et ses contraintes (isolement, etc.) sous l’intitulé « enseignement en écoles rurales », soit sur la pédagogie sous l’intitulé « enseignement en classes multi-niveaux », ce qui aurait un impact au-delà des écoles rurales, quel que soit le lieu d’implantation de ces classes.
La mobilisation de tous les partenaires et la marge d’initiative donnée aux acteurs locaux dans un cadre national :
• Désigner dans chaque département concerné un IEN chargé d’une mission « écoles rurales » qui aurait pour rôle de coordonner la mise en réseau des écoles et des professeurs, de mettre en place des salles de professeurs virtuelles (voir exemple de la Finlande), de proposer des modules de formation continue, d’organiser des rencontres annuelles réunissant enseignants et directeurs du secteur concerné et de faire circuler toutes les informations sur les échanges de bonnes pratiques (voir le réseau e-Twinning). (Des IEN « à profil » en charge de missions spécifiques existent déjà, mais d’après le site du ministère, aucun en charge des écoles rurales).
• Mieux faire connaître, en y consacrant, par exemple, une rubrique sur le site académique, toutes les initiatives conjointes destinées à valoriser le patrimoine culturel local.
• Diffuser une sorte de vademecum destiné tant aux personnels de l’Éducation nationale qu’aux responsables locaux (maires en particulier), recensant les sources d’information disponibles sur les différentes problématiques des écoles rurales (organisation, structures, pédagogie), les contacts utiles, des exemples concrets de projets susceptibles de transfert, etc. IESF propose que le texte du groupe de travail, éventuellement remanié, puisse servir de préambule.

 

André Hussenet                                    

au nom du groupe de travail « Écoles rurales » constitué au sein de l’association Inspecteurs de l’Éducation sans Frontières (IESF) par Françoise Duchêne, Odile Luginbühl, Françoise Monti, Michèle Sellier, Jean-Claude Cubaud, Jean Geoffroy, Robert Jammes et Christian Saint-Lezer.

 

 

 

Éléments de bibliographie

  • Ariane Azéma, Pierre Mathiot, Rapport Mission Territoires et réussite, novembre 2019
  • Marie-Blanche Mauhourat, Ariane Azéma, Inspection générale de l’Éducation nationale – Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche, Rapport Mission ruralité – Adapter l’organisation et le pilotage du système éducatif aux évolutions et défis des territoires ruraux, juillet 2018
  • Agenda rural, Agence nationale de la cohésion des territoires
  • « Éducation et ruralités », coord. Odile Luginbühl, Pierre-Louis Gauthier, Revue internationale d’éducation-Sèvres, n° 59, avril 2012
  • Laurent Lafon, Jean-Yves Roux, Les nouveaux territoires de l’éducation, Rapport d’information fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du sénat n°43, 9 octobre 2019
  • Yves Alpe, Angela Barthes, Les élèves ruraux face à la stigmatisation des territoires, Agora débats/jeunesse 2014/3, n°68

 

[1] L’exemple le plus abouti d’une structure inclusive avec une école unique pour la période de la scolarité obligatoire se trouve dans les pays scandinaves (en particulier Finlande, Suède, Danemark). Dans d’autres pays, la continuité curriculaire pour cette période est associée ou non à une structure d’accueil unique (« Comprehensive schools » en Angleterre, « Enseñanza General Básica » en Espagne).

[2] La loi du 28 juillet 2019 “Pour une École de la confiance” ouvrait la possibilité de créer des “établissements publics de savoirs fondamentaux” regroupant les classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles, dans le but de promouvoir la continuité des apprentissages du CP à la 3ème et d’éviter le décrochage de certains élèves lors du passage en 6ème. L’objectif, par ailleurs, était de permettre le désenclavement de certaines petites écoles rurales.

Conférence-débat : “Quand la question de l’identité de genre entre à l’école par la porte du Bulletin Officiel”

Quand la question de l’identité de genre entre à l’école par la porte du Bulletin Officiel

Avec  Arnaud Alessandrin

Jeudi 03 février 2022, de 9 h à 11 h
Soit en présentiel au lycée Nicolas Brémontier (152, cours de l’Yser, Bordeaux)
Soit en visioconférence

Inscriptions du 20 janvier au 1er février 2022

 

Présentation

Le B.O. de l’Éducation Nationale n°36 du 30 septembre 2021 reprend circulaire du 29 septembre de la même année qui a pour titre : Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire. Elle concerne les enseignements primaires et secondaires. Son sous-titre, « Lignes directrices à l’attention des personnels de l’Éducation Nationale », prévient son lecteur du caractère général des préconisations qui vont lui être adressées. Le détail de leur mise en œuvre relèvera de l’établissement  ou des personnels  directement concernés.

Si la volonté de lutter contre toute forme de discrimination est en phase non seulement avec les politiques mises en œuvre dans les écoles, collège et lycées ; elle fait également parfaitement écho aux valeurs portées par l’École et ses acteurs.

Force est de constater, toutefois, que le cadre général qui est posé soulève d’autant plus de questions quant à sa déclinaison qu’il n’outille pas le lecteur pour y répondre. Ainsi, et sans être exhaustif, peut-on s’interroger sur l’invitation faite aux personnels des établissements d’« écouter », « accompagner » et « protéger ». Est-ce une disposition innée pour tous ? Les parcours professionnels ont-ils donné à chacun les compétences pour répondre à cette demande ? Les personnels sont-ils eux même écoutés et accompagnés ?
De la même manière, les injonctions liées à l’utilisation d’un prénom d’usage et les préconisations liées aux locaux (toilettes, chambres d’internat etc.) représentent une vraie complexité tant dans la réalisation matérielle que dans le travail d’acceptation à conduire en direction des autres élèves et des familles ; peut-être également en direction d’un certain nombre d’acteurs au sein de l’École.
Enfin, le texte aborde quelques aspects de la prise en compte des élèves transgenre sans envisager tous ceux qui manquent cruellement de cadrage. Quel barème appliquer, par exemple, à une évaluation certificative en EPS ?

Face à ces interrogations laissées sans réponse par un texte qui ouvre le champ des possibles et qui laisse les acteurs de l’Éducation souvent dépourvus, il nous a semblé pertinent de proposer, dans le cadre de l’AFAE, un moment d’échange et de réflexion. Ce d’autant plus que la question des élèves transgenre qui s’invite dans notre actualité, fait écho à toutes les luttes contre les discriminations que nous tentons de conduire avec plus ou moins de bonheur.

Arnaud Alessandrin, sociologue dont les travaux, notamment sur la question de la transidentité, sont nombreux et font référence, a accepté d’éclairer et de nourrir notre réflexion dans le cadre d’une conférence débat.

Arnaud Alessandrin est docteur en sociologie de l’université de Bordeaux où il a soutenu sa thèse intitulée « Du ‘transsexualisme’ aux devenirs trans » (2008-2012). Il y est actuellement chargé de cours et enseigne la sociologie du genre et des discriminations. Il est l’auteur de nombreux livres et articles sur le sujet des transidentités, du genre et des homophobies : « La transidentité » (Harmattan, 2011) ; « La transyclopédie » avec K.  Espineira et M-Y. Thomas (Des ailes sur un tracteur, 2012) « Géographie des homophobies » ; avec Y. Raibaud (Armand Colin, 2013) ; « Genre ! », avec B. E-Bellebeau, livre qui réunit plus de 40 auteurs autour de 70 fiches sur le genre (Des ailes sur un tracteur, 2014) ; « Sociologie de la transphobie » avec K. Espineira (MSHA, 2015). En 2017 il collabore avec Mélanie Bourdaa et publie « Fan et Gender studies : la rencontre »  (Téraèdre, 2017). Une suite du livre est parue en 2019 chez le même éditeur : « Fan et Gender studies : le retour« . En 2018 et 2019 il poursuit ses études sur les questions de genre et de santé et publie « Sociologie des transidentités » (Cavalier Bleu ed.), « Parcours de santé / parcours de genre » avec A. Meidani (PUM) et « Actualité des trans studies » (EAC ed.). En 2020, aux éditions Bord de l’eau, il sort « Santé LGBT » (livre collectif co-dirigé avec J. Dagorn, A. Meidani, G. Richard et M. Toulze). Fin 2020, toujours avec Johanna Dagorn, il publie « Quel est le rôle de la ville dans la lutte contre les discriminations ? » (MSHA ed.). 2021 débute avec la publication d’un nouveau recueil d’articles sur le genre, édités par les éditions double ponctuation et se termine par la sortie du livre « Que faire de nos dégouts? » (Eclisse ed.) avec Brigitte Esteve-Bellebeau et Rogelio Esteve. De nombreux autres articles sont disponibles en ligne.

En 2013, Arnaud Alessandrin devient rédacteur en chef de la revue « Miroir / Miroirs » dont il dirigera les numéro 1 (« Grindr mon amour », 2013) et 3 (« Mariage pour tous : un an… et après ? », 2014). La même année, il lance la revue « Les cahiers de la transidentité » avec K. Espineira et M-Y. Thomas. Tous trois ont également créé en 2011 l’ODT (Observatoire Des Transidentités), interface d’expertises et de visibilités trans. Après avoir quitté l’ODT en 2015, il est nommé avec Johanna Dagorn à la direction de la nouvelle revue « Les cahiers de la LCD -Lutte Contre les Discriminations » en décembre 2015 (revue du CGET et de l’ACSE). Tou.te.s deux dirigeront le premier numéro intitulé « La ville face aux discriminations » (2016) ainsi que le premier Hors-Série de la revue, intitulé « Droits culturels et lutte contre les discriminations » (2018). En 2019 la revue sort son 10ème numéro.
Enfin, les activités d’Arnaud Alessandrin sont fortement ancrées du côté des recherches de terrain. Après sa thèse sur les transidentités (2008-2012), il effectue une recherche sur la place du cancer dans les transitions trans (2013-2014) puis réalise une enquête quantitative sur la transphobie avec K. Espineira (2014). Cette dernière est récompensée par le prix Pierre Guénin (pour l’égalité des droits). Après avoir terminé une recherche CNRS portant sur l’effet de la socialisation genrée sur les parcours de santé (2014-2017) avec A. Meidani ainsi qu’une recherche sur la santé des LGBTI (2017-2018), il s’engage dans une étude portant sur les parcours de santé dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (Fondation de l’Avenir, 2018). Il poursuit actuellement ses recherches sur ce qui lie les questions de genre et celles de santé à travers une enquête financée par l’IRESP (2018-2021), toujours aux côté d’A. Meidani ; ainsi qu’une recherche sur le rôle des témoins en situation de discrimination avec J. Dagorn. En 2021 il lance, avec les CHU, l’ARS et la région de Nouvelle-Aquitaine une recherche sur les parcours bariatriques et la grossophobie (2021-2023).

Ses activités en termes de recherche-actions l’amènent en 2014 à coordonner l’Observatoire Bordelais de l’Egalité (dispositif local de recherche et de veille sur les discriminations). Avec l’association ARESVI, il codirige avec Johanna Dagorn de très nombreuses recherches sur les femmes, leurs déplacements et leurs expériences de la discrimination (à Poitiers, Limoges, Niort ou Angoulême entre 2015-2019), dont une pour la ville de Bordeaux qui reçoit le label « Sexisme pas notre genre » en 2016. De 2016 à 2017, il pilote une enquête qualitative sur le sentiment de discrimination dans les Quartiers Prioritaires de la Ville. En 2018-2019 il lance, toujours avec Johanna Dagorn et l’Observatoire Bordelais de l’Egalité, une nouvelle enquête sur la place des LGBTI dans la ville. Tou.te.s deux reçoivent en 2018 un trophée d’honneur de la ville de Bordeaux pour leurs recherches et continuent de s’engager auprès de municipalités dans la mesure des discriminations (notamment Mérignac et Rennes en 2019, Pau en 2020 ainsi que Bordeaux Métropole en 2021-2022).

A côté de ces activités, Arnaud Alessandrin monte en 2009 l’Exposition photographique « Tina » à la Maison des femmes de Bordeaux. Cette série sera publiée en annexe dans son premier livre « La transidentité » (Harmattan, 2010) et sera exposé à la Galerie Christina (Bordeaux, 2010) et aux rencontres de la photographie de Rennes (2011). En 2012 il propose une lecture croisée des œuvres « Mes parents » d’Hervé Guibert et « Retour à Reims » de Didier Eribon à la Manufacture Atlantique (Bordeaux). En 2015-21016, il co-crée le site « Vivre mon genre », composé de vidéos et de témoignages à destination des mineurs trans. En 2017, il participe aux conférences TedX avec Johanna Dagorn pour une intervention intitulée « Harceler n’est pas jouer ». En 2018, il co-scénarise avec Johanna Dagorn, la bande dessinée « Lou ou une chronique du sexisme ordinaire » (sur des dessins de C. Lemaire) qui sera exposée à la fondation EDF en Juin de la même année. Toujours en 2018, il travaille aux côtés de D. Bobée et R. Cheneau dans l’écriture du feuilleton « Mesdames, messieurs et le reste du monde » pour le Festival d’Avignon, pièces qui seront reprises au théâtre national de Rouen en 2019. En 2019-2020 il accompagne le metteur en scène D. Gauchard pour son spectacle « Nu ». Le spectacle sera joué à Avignon en Juillet 2020 -festival annulé pour cause de Coronavirus et reprogrammé en 2021. En 2022 se jouera « Herculine Barbin » au TNBA (sous la dir. de C. Marnas) spectacle pour lequel il est conseiller artistique.

Enfin, depuis 2019, Arnaud Alessandrin est membre du conseil scientifique de la DILCRAH (Délégation Interministérielle de Lutte Contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Haine anti-LGBTphobe). En 2020, France 3 lui consacre un reportage dans le cadre de la série de portraits « La parole libérée».